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Recherches et temps perdu
20 juillet 2013

ORAGES À HERBLAY

météorologie  

Et si je commençais par un peu d'humour ?
Cela concerne bien Herblay, puisqu'il s'agit de cette femme de lettres et d'esprit, Marie d'Agoult, qui avait fui en compagnie de Liszt pour un tour d'Europe et passa vers le milieu du 19e siècle quelques belles saisons à Herblay, invitée par son amie Hortense Allart (qui fut la maîtresse de Chateaubriand) auprès de l'église.
Je cite :

Comme Chateaubriand, Marie aurait pu s'écrier : « Levez-vous, orages désirés » [...] à l'occasion d'un voyage éclair à Paris [...] 

Il est vrai que son aventure avec Liszt avait commencé par un véritable coup de foudre !
Cet humour est je crois involontaire, il arrive en effet souvent qu'en maniant la plume un mot en appelle un autre, et c'est je pense ce qui est arrivé à notre auteur...

Marie, l'ange rebelle, Belfond, 2007, Gonzague Saint Bris, page 158.  

Orages mémorables
Non, plus sérieusement, le premier des orages que l'histoire de la région ait retenus est celui du 13 juillet 1788. En voici la meilleure description que j'en aie trouvé, écrite par Pihan de la Forest le jour-même La grande histoire de Saint-Ouen l'Aumône (des origines à nos jours), Dominique Guidoni, Editions Edijac Pontoise 1986, pp. 46-47 :

Le 13 juillet, à sept heures du matin, le baromètre marquait 27 pouces, 9 lignes un quart de ligne, le thermomètre était resté à 18 degrés 1/4 de degré; le vent était d'ouest; le temps était clair et serein; il n'y avait que quelques nuages légers très clairsemés.
Sur les huit heures un quart, un tonnerre lointain s'est fait entendre. On a monté à un « donjon élevé » pour découvrir où les nuées qui recelaient ce tonnerre étaient portées et le rumb [un des 32 "vents" de la boussole] du vent qu 'elles suivraient. On a observé que le nuage était à l'ouest de la ville de Pontoise, qu'il pouvait occuper en largeur entre une lieue et une lieue et demie de terrain et qu'il était sur la ville de Saint-Germain-en-Laye et ses environs. Le reste de l'horizon éclairé d'une lumière éclatante augmentait le sombre de cette partie et donnait l'air le plus lugubre à ce grand nuage. Le vent paraissait le pousser au Sud, et il prit d'abord cette direction, bientôt il le porta au Sud-Ouest, enfin lorsque le nuage eût dépassé en grande partie la forêt de Saint-Germain, le vent devenu impétueux lut fit suivre le cours de l'Oise et tenir constamment l'Ouest. En un instant l'orage franchit les paroisses de Conflans, Eragny. Cergy etc... et donna un spectacle effroyable.
Le soleil dardait sur le côté du nuage, qui paraissait taillé [à] pic et montrait - dans la perpendiculaire de quarante à cinquante pieds de hauteur à l'estime - les monceaux de glace instruments des ravages qu'il allait causer.  Ce nuage lançait par réverbération des rayons prismatiques qui joints aux éclairs qui sortaient à chaque instant de son sein, disputaient d'éclat avec le flambeau de la lumière et produisait  un  coup d'œil imposant, plus horrible encore que curieux.
A huit heures trente sept minutes, il atteignit le territoire de Pontoise et à trente huit minutes, il couvrait la ville. A un jour brillant succéda une nuit presque complète. Un vent fougueux, les éclairs, un tonnerre continuel. Le bruit de la grêle coupant les arbres, brisant les toits, cassant toutes les vitres, un déluge d'eau, inondant les maisons par les toits fracassés jettèrent [sic] l'horreur, l'épouvante et la consternation dans toutes les âmes.
Cette scène déplorable dura sept à huit minutes avec éclairs et tonnerre. Dans un espace de temps si court, la plus belle récolte de toute espèce que l'on ait vue depuis quelques années, a été entièrement perdue, et sans aucune ressource. Le moindre grain de grêle était de la grosseurs [sic] d'un œuf de pigeon, la majeure partie était grosse comme le poing, armée dans son pourtour de pointes aigues [sic] et tranchantes, de la longueur depuis huit lignes jusqu'à quinze. Il y en avait de gros comme des bouteilles de pinte. Ceux de la seconde espèce pesaient huit onces jusqu'à vingt-quatre.
On assure que dans la paroisse d'Auvers, a [sic] une lieue de cette ville, on en a levé de terre qui pesaient quatre livres. Cette grêle était lancée avec une telle force que les murailles qu'elle frappait immédiatement [aujourd'hui on écrirait : directement] en étaient marquées comme elles auraient pu l'être avec des balles de plomb sorties d'un fusil.
On conçoit le ravage qu'une grêle de cette espèce a dû causer dans les terroirs des vingt-cinq paroisses de l'élection y compris celui de la ville qu 'elle a parcourue.
Les grains ont été couchés par terre, les pailles hachées et foulées comme si elles avaient été piétinées par une armée; les vignes dépouillées de leurs feuilles et de leurs fruits; une grande partie déracinée; les arbres dans un triste état, leurs branches coupées, leurs troncs pelés en plusieurs endroits; les légumes enfouis dans la terre, jusquaux [sic] choux pommés percés d'outre en outre; enfin on ne peut concevoir toute l'étendue et la grandeur du désastre et de la perte qu'en les voyant de nos propres yeux.
Les maisons dont les toits regardaient l'Ouest ont été totalement découvertes, surtout celles couvertes en ardoise; toutes les vitres ont été cassées. On estime la perte de la ville de Pontoise seule, en couvertures et en vitres, à plus de cinquante mille écus.  Si ce fléau destructeur était arrive un jour d'œuvre, [le 13 juillet 1788 tombait en effet un dimanche] il y aurait eu une infinité d'hommes et d'animaux de tués. Ses plaines étaient jonchées après l'orage de gibier de toute espèce et d'oiseaux morts.
Une vache que l'on avait mise pour paître dans un enclos y a été assommée. Il y a eu quelques voyageurs de blessés, mais on n'a point appris qu'il y eût personne tuée. Dès que la pluie eût cessé de tomber,  les gouttières encombrées de grêle, les amas de grêlots dans les jardins jettaient [sic] une fumée pareille à celle de l'eau en ébulition, [sic] qui a formé dans  un  instant,  un  brouillard que le Soleil en reparaissant  une demi  heure après a promptement dissipé [...]   

On connaît la suite de l'histoire et les implications que ce désastre allait causer un an plus tard...  

Le cahier de doléance d'Herblay comprenait une demande singulière : celle de laisser les Herblaysiens sonner les cloches au moment des orages dans le but de les éloigner. Méthode judicieuse ? On peut d'autant en douter que j'ai le souvenir d'un orage, au moment des fouilles archéologiques au pied de l'église vers 1970. Nous étions abrités sous la bâche translucide et l'orage battait son plein lorsque les cloches furent mises en mouvement. La foudre tomba alors sur le paratonnerre du clocher... 

Orage – tornade
L'année de la construction de l'égout de la Grand Rue (1905 ? ) réalisé en dédommagement du passage de l'émissaire des égouts de la Ville de Paris, tous les pavés du chantier se retrouvèrent rue du Val et même jusqu'à la Seine. Un témoignage Alice Poujade 1968 et deux photos sur plaques de verre ont immortalisé l'événement.
Plusieurs caves ont été inondées. On n'a pas pu enterrer une personne à cause de l'eau remplissant la fosse.

Orage rue du Val
Regards sur Herblay page 137, tirage d'une plaque de verre (et, je m'en aperçois, reproduit à l'envers dans Regards ! )

Foudre en boule
S'agit-il réellement de foudre en boule ? A l'époque où furent recueillis ces témoignages, l'existence même de ce phénomène était mis en question, et il n'appartenait pas à l'intervieweur de trancher ; cette classification paraît plus acceptable aujourd'hui.  

(selon Angèle Forget, d'après le récit de madame Laure)
Vers 1890, au 28 rue d'Argenteuil (à mon sens, il ne s'agit pas de la boutique actuelle située à ce numéro, mais de la maison disparue remplacée par l'espace contigu défendu par une grille).
Chez Edouard Macaire dit Poulain (on retrouve ici un surnom attribué à la branche d'une des familles herblaysiennes) par cette chaude journée d'été, le ciel est noir et menaçant. Il est midi, les ouvriers de ferme ne partiront pas travailler, la femme prise de frayeur les a retenus et ils se sont mis à jouer aux cartes, se moquant de la patronne et de l'orage.
Eclairs, tonnerre, grêle, pluie diluvienne et tout à coup la foudre s'abat dans un grand fracas alors que la femme tenait son tout jeune enfant dans les bras.
Tous les hommes se sont retrouvés précipités pêle-mêle sous la table (Ah ah les courageux ! ajoute la morale de l'histoire).
La femme n'avait plus son enfant dans les bras, on l'a retrouvé dans son petit lit, intact.
Sur les rideaux de la cuisine étaient comme décalquées, gravées, les fleurs du motif de la marmotte que portait la femme, et celles du motif de son fichu se sont retrouvées brûlées.
On nous disait, je m'en souviens, que la foudre avait parcouru la pièce dans une progression erratique issue de la cheminée, et qu'il se serait agi d'une boule de feu...
Puis on nous envoyait coucher en nous souhaitant « Bonne nuit les petits ! »... Nous avions des parents du tonnerre 

(recueilli par Angèle Forget)
Madame Cochon née Boquillon (elle avait habité Jouy-le-Moutier), mère de Louise Le Jeune et grand-mère de Suzanne B., avait vu la foudre en boule déraciner un arbre, laissant comme un trou de bombe. L'anecdote reste floue, une autre version – ou bien est-ce une autre fois ? – relate son témoignage d'un homme abrité sous un arbre et tué par une boule de feu...  

(Angèle Forget / Marie Rigault)
Le témoignage suivant est plus fiable et a été recueilli par ma mère Angèle Forget directement de la bouche de sa cousine Marie Rigault, la mère d'Edouard Rigault, auteur d'un livre sur Herblay (pub au passage, voyez HISTOIRES D'HERBLAY). L'événement s'est produit vers 1903-1908, au moment de la "guerre" et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les sœurs de Saint-Vincent de Paul qui tenaient l'école des jeunes enfants et des filles (actuellement la crèche Arc en ciel) avaient dû céder la place et la paroisse procédait à la construction de l'école Jeanne d'Arc en meulière. Entre temps, les écolières bénéficiaient d'une "école Jeanne d'Arc" provisoirement installée dans une simple villa de l'avenue Bénoni Crosnier.
Marie Montreau revenait donc de l'école et, dans la rue de Chantepuits à hauteur du jardin de l'actuel Centre Saint-Vincent, vit s'abattre une boule de feu accompagnée de vent.
Selon son témoignage, cette boule avait un diamètre relativement restreint puisqu'on aurait pu la contenir entre deux mains courbées (c'est une image : je ne conseille pas de tenir une boule de feu, les mains pourraient fondre ! ) ; elle était de couleur rose violacée.  

On m'a rapporté aussi que la dame qui travaillait comme femme de ménage chez "la colonelle" Monteil (la femme du colonel) apercevait souvent, de leur villa située en bord de Seine, des boules de feu tomber ainsi dans la Seine.  

Est-il étonnant d'avoir pu recueillir autant de témoignages ? Ou si peu ? L'impression est toute subjective, à chacun d'en décider.

 

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