VITRAUX ET VERRIERS

Messages cachés ?

Si j'avais été verrier au 16e siècle, je me serais appliqué à suivre les symboles traditionnels, conventions et couleurs. Et comme au bout du compte je me serais ennuyé, j'aurais bien glissé quelque astuce ou quelque clin d'oeil à l'observateur attentif (voire au restaurateur futur).

Eglise d'Herblay - vitrail de la descente de croix (ou pietà) Le choeur de l'église d'Herblay achevé vers 1535 possède quelques beaux vitraux d'époque. Celui-ci est sorti d'un atelier de verrier parisien dont on a découvert le nom, Chastellain, discrètement inscrit sur le vase à parfum tenu par Marie-Madeleine (mémoire de maîtrise, Claire Varnier, 1996). Mais le même vitrail recèle d'autres inscriptions ornant l'auréole des saintes femmes. Sur la première on lit "...AON..." Si l'on compare les graphies de l'époque, ce "aon" peut être la terminaison abrégée d'un mot en -ation ou -asion (exemple 1587 declaraon). Pourquoi alors les lettres peintes sur l'auréole de la Vierge n'auraient-elles aucun sens ? Je crois lire N RHMPAVGDLMEX... S'agit-il d'initiales ? (RH pour Rex Hominum ? ) D'une prière ? Je n'ai rien trouvé malgré les possibilités d'internet...

CHASTELLAIN	N RHMPAVGDLMEX... ?
...AON

 Eglise d'Herblay : vitrail de l'Arbre de Jessé
Jessé voit en songe sa descendance : le sujet, souvent repris, établit la généalogie du Christ par Marie qui trône avec son enfant. Les noms des rois et prophètes, tirés de l'évangile de Matthieu, sont inscrits sur des banderoles.
C'est ce qui m'a incité à relier les personnages dans leur ordre chronologique, dans l'idée d'apprécier le choix de présentation réalisé par l'artiste (ci-dessous à gauche).

Il apparaît que les trois premiers (Jessé, David, Salomon) sont groupés. Puis la disposition est ascendante, autant que faire se peut, dans une répartition équilibrée aboutissant au tympan. Tout cela est logique. Par amusement, j'ai cherché si on pouvait trouver un sens à ce fil d'Ariane... L'auteur n'avait-il pas un message (important si possible) à transmettre ? Qu'on me pardonne ce délit d'imagination : si j'avais décrypté là un vrai secret, serais-je en train de vous le livrer ?

La seule "lecture" qui apparaisse serait "1302". Vérification : imaginez que vous vouliez écrire cette date sans lever le crayon, c'est bien le tracé que vous devriez réaliser... L'artiste ne pouvait pas s'y prendre autrement. De ce point de vue, cela aussi est logique.

1302. A quoi correspond cette date dans l'histoire d'Herblay ? C'est l'époque où vit Etienne de Barrois, fils du seigneur Guillaume de Barrois. Ils sont tous deux enterrés au pied des autels qu'ils ont fondés. Sa tombe (marbre noir, tête en argent probablement) le dit doyen (du chapitre) de Saint Omer, chanoine et archidiacre de Beaugency en l'église d'Orléans, clerc et confesseur du roi [Jean ?]. Confesseur du roi, rien que ça tout de même. Il est mort en 1351 ou 1352. Coïncidence, le roi Philippe VI de Valois vint à Herblay le 9 septembre 1339, c'est le jour de la Saint Omer. Coïncidence, un blason au bas du vitrail de Jessé porte les trois pommes de pins, qui sont les armes de la collégiale de Saint Omer... Il y a donc bien une relation entre ce vitrail et le souvenir de ce personnage.
1302, c'est aussi la période finale des templiers (arrestation en 1307), parmi lesquels Guillaume d'Arblay (Herblay), templier, fut précepteur de la commanderie de Choisy-le-Temple mais aussi aumônier du roi Philippe le Bel. (Là, c'est encore mieux pour le départ d'une longue rêverie...)

Eglise de Groslay : vitrail de l'Arbre de Jessé
A quoi aboutirait la même analyse sur d'autres vitraux ? Ma recherche s'est poursuivie sur ce vitrail très semblable, également du début du 16^e (sauf l'édicule refait en 1572), peut-être inspiré des mêmes cartons. A la différence d'Herblay, la baie plus large se répartit sur quatre lancettes et pourtant les personnages y sont moins nombreux.

Le circuit liant la répartition est d'une allure différente, qui évoque largement le motif qu'on dénomme "quatre de chiffre".
Cet emblème, repris par les libraires, aurait d'abord été celui des quatre corps du bâtiment, dont les vitriers. Selon Guénon il aurait même pu être une marque de maîtrise dans les corporations.
On trouve également dans l'histoire de l'alchimie des figures assez semblables. J'ai mis en regard le symbole alchimique "liquefacere". ¹
1 Michel Caron et Serge Hutin, Les alchimistes, éditions du Seuil, 1959, dessin reproduit page 92

 Je vous invite, si vous passez par l'église d'Herblay, à vous attarder également sur le vitrail suivant, qui reproduit une légende de saint Nicolas sauvant trois pucelles de la prostitution : il jette en cachette trois bourses d'or. Cette légende est parfois connue sous le nom des "trois pommes d'or". Non, il n'est pas question de trois pommes de pin. 

Si vous avez une idée... 

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